Quand il fait froid dehors, le vin chaud est synonyme de marchés de Noël mais aussi de boisson réchauffante accompagnée de délicieux encas à grignoter.
Il s’avère que cette recette originaire d’Alsace est bue depuis l’Antiquité. Pour leur préparation, les Romains ont même inventé une jarre spéciale, qui est devenue plus tard le prototype des samovars Russes.
La recette la plus populaire des vins chauds à cette époque était le vinum muslum (vin miellé), assaisonné de miel. Cet ajout populaire mais malheureusement beaucoup trop cher pour les pauvres gens a offert une nouvelle tournure à ce nectar vivifiant. L’huile de rose a remplacé le miel, qui elle-même s’est progressivement faite dominée par l’ajout d’assaisonnements végétaux et d’épices puissantes mais adoucies par la cuisson.
Aux origines du Vinum Conditum paradoxum
Parmi les classes supérieures romaines, le vin chaud assaisonné de miel et de racines, connu sous le nom de « vinum conditum » (vin de racine) ou « conditum paradoxum » (vin épicé), était particulièrement populaire.
Plusieurs recettes de ces boissons ont été rédigées par Pline l’Ancien dans le quatorzième livre d’Histoire Naturelle. Parmi les racines utilisées dans la préparation il mentionne :
- Le rhizome de calamus
- La citronnelle
- Les rhizomes de valériane
- La cardamome
- La cannelle
- Les clous de girofle
- Le safran
- Le laurier sauce
- Et le gingembre.
À son tour, le gastronome Romain Marcus Gavius Apicius, auteur du plus ancien livre de cuisine connu, écrit la recette suivante pour la préparation du conditum paradoxum :
- « Versez deux sesterces (environ 1 litre) de vin dans un récipient suffisamment grand et faites-les chauffer à feu doux
- ajoutez progressivement 5 kg de miel en remuant bien.
- Lorsque de la mousse commence à se former à la surface du mélange, retirez le récipient du feu et attendez que son contenu refroidisse.
- chauffez et refroidissez le mélange une deuxième et une troisième fois, puis laissez-le reposer toute la journée.
- Ajoutez ensuite environ 110 grammes de poivre, 3 grammes de mastic de Chios (résine collante de Pistacia lentiscus séchée), 3 grammes de laurier et de safran chacun et cinq dattes dont les graines doivent être cuites au préalable et la chair trempée dans du vin et frottée entre les doigts.
- Mélangez délicatement le tout.
- Ajoutez 18 sesterces (environ 9 litres) de vin doux et faites chauffer à nouveau.
- Un liquide trouble s’éclaircit plus facilement si on y ajoute du charbon de bois. »
On voit donc que cette boisson, dans son concept de base, ne différait pas beaucoup du vin chaud que l’on connaît aujourd’hui ; même si la composition d’épices qui y était utilisée ne serait sans doute pas du goût de tout le monde (surtout avec sa forte dose de poivre !)
Après la chute de Rome, la popularité du vin chaud a considérablement diminué en raison du manque d’épices nécessaires à sa préparation. La situation a changé pendant les croisades, lorsque les racines d’outre-mer ont commencé à être apportées en Europe. Dès le XIIe siècle, la France s’est emparée de la recette et a commencé à produire la décoction pour soigner les maux en y ajoutant de la cannelle, des clous de girofle et d’autres racines cultivées dans le terroir.
Pourquoi le vin chaud est-il associé aux fêtes de fin d’année ?
Les Romains buvaient traditionnellement du vin avec les racines salvatrices lors de la fête du Soleil Invincible (Sol invictus), qui tombait le 25 décembre. A la fin du IVe siècle, l’Église ordonna la célébration de Noël et de la purification ce jour-là, et c’est probablement lors de cette date que les Chrétiens adoptèrent la tradition du vin chaud.
En effet, dès le XIVème siècle, la boisson épicée est devenue un « hypocras », en raison de ses propriétés supposées pour la santé. Le nom fait référence à Hippocrate, l’ancien père de la médecine. Cependant, en raison des ingrédients dont elle était faite, c’était toujours une boisson considérée comme luxueuse et seuls les nobles pouvaient en faire offrande.
Petit à petit entré dans les mœurs et totalement démocratisé avec l’arrivée des épices en Europe, le vin chaud que l’on connaît et apprécie aujourd’hui est donc l’aboutissement de la recette Chrétienne mise à la disposition de tous.
C’est donc un vin chauffé assaisonné d’épices, qui est particulièrement apprécié lors des fêtes de fin d’année et qui est un véritable symbole sur les marchés féeriques d’Alsace et de Savoie.
Toutefois, il faut savoir qu’actuellement, il existe différentes options de vin chaud connues à travers le monde :
- Mulled wine Anglais
- Glühwein Allemand
- Glogg Scandinave…
En France, c’est bien entendu la recette du vin chaud Alsacien qui est la plus prisée, suivie de près par la traditionnelle boisson Savoyarde toute aussi savoureuse et réconfortante.
Quelles sont les différentes variations de vin chaud ?
En France
Le vin chaud que l’on apprécie en France est particulièrement corsé. Il est généralement réalisé avec un vin rouge de Bordeaux ou Alsacien mais résultant toujours des cépages Merlot, Gamay, Syrah, ou Mourvèdre.
Il convient de rappeler que les fruits frais sont un ingrédient fréquent de tous les types de vin chaud. On observe le plus souvent l’ajout de mandarines et d’oranges, et parfois même de citrons. La racine de gingembre est également une épice inestimable pour obtenir la recette que l’on chérit tant. Il ne faut pas non plus oublier les épices aromatiques. Cardamome, cannelle, clous de girofle…
Dans les pays Germanophones
Le glühwein, populaire dans les pays Germanophones, est généralement composé de vin rouge (en Autriche et dans le Tyrol du Sud, le vin blanc est relativement souvent utilisé à cette fin) additionné de sucre, de cannelle, de clou de girofle, de muscade et de zeste de citron.
Tous les ingrédients sont chauffés à environ 80°C juste avant d’être servis. Deux variantes locales de cette boisson sont également connues sous les appellations « Nürnberger Glühwein » et « Thüringer Glühwein». Ce sont des termes géographiques officiellement réservés et sont les seuls labellisés IGP en Europe.
Lorsqu’on part légèrement plus à l’Est, en République Tchèque et en Pologne, on retrouve beaucoup les principes de l’hypocras, populaires aux XVIIe et XVIIIe siècles notamment à Gdańsk et Toruń. Une caractéristique qui le rends propre à ces pays, ce sont l’ajout toujours fréquent miel mais aussi de racines, assaisonnées de crème douce ou de jaunes d’œufs battus.
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En Scandinavie
Le vin chaud scandinave traditionnel est le « glogg » pour son écriture Suédoise. Elle porte également le nom de :
- « Glögg » en Islande
- « Gløgg » en Norvège et au Danemark
- Et « Glögi » en Finlande et en Estonie.
Cette boisson, assaisonnée de cannelle, de cardamome et de clous de girofle, souvent aussi enrichie d’un peu de vodka, de brandy ou d’aquavit, est traditionnellement servie avec l’ajout de raisins secs et d’amandes finement tranchées. Un dérivé du vin chaud historique mais qui n’en demeure pas moins alléchant.